Le Canada n’est pas à la hauteur de ses ambitions climatiques
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Alors que les négociations se terminent à la COP26 à Glasgow, le Canada et le reste du monde se trouvent au bord du gouffre. Malgré leur volonté de limiter le réchauffement climatique à un niveau inférieur à 2°C d’ici 2100, les pays ont pris au cours des dernières semaines des engagements qui ne cadrent toujours pas avec les mesures requises pour réaliser l’objectif fixé. Selon le plus récent rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement, le monde s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) dans une proportion équivalente à environ la moitié seulement de la réduction de GES prescrite par l’objectif de l’Accord de Paris (un niveau bien inférieur à 2°C). Il y a encore lieu de faire preuve d’un optimisme prudent : si l’on tient compte des plus récentes promesses de carboneutralité faites durant la COP26 (p. ex., l’Inde d’ici 2070), le monde comblerait en grande partie l’écart entre ses ambitions en matière de lutte contre les changements climatiques et les mesures à prendre pour limiter le réchauffement à un niveau inférieur à 2°C. Cependant, beaucoup des promesses faites n’étaient accompagnées d’aucun détail. Par exemple, l’Inde s’est engagée à produire 50 % de son électricité au moyen de sources renouvelables d’ici 2030, sans toutefois présenter son plan – c’est un projet ambitieux pour un pays où près de 91 % de l’électricité a été produite au moyen de combustibles fossiles en 2019. Les États-Unis et la Chine ont pris un engagement commun de réduction des émissions au cours de la présente décennie, qui lui aussi manque de substance. Autrement dit, on estime que les émissions de GES ont diminué d’environ 7 % à l’échelle mondiale en 2020 – année au cours de laquelle plus de quatre milliards de personnes ont fait l’objet d’un confinement rigoureux pendant une période donnée – et à partir de maintenant, nous devrons obtenir une telle diminution chaque année pour rester en voie d’atteindre l’objectif de carboneutralité d’ici 2050. Bref, les détails sont importants.
Pour nous aider à y arriver, le secteur de la finance a fait un grand pas en avant. Le 3 novembre, l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, a annoncé qu’il avait obtenu des engagements de la part d’investisseurs institutionnels (y compris les six grandes banques canadiennes) représentant au total un actif de 130 mille milliards de dollars américains pour l’alliance Glasgow Financial Alliance for Net Zero. Bien que cet engagement ait dépassé son objectif de 100 mille milliards de dollars américains et qu’il montre clairement que le secteur privé est prêt à fournir les fonds nécessaires pour rendre le monde carboneutre, l’autre grand objectif financier de la conférence, soit de fournir 100 milliards de dollars américains en aide aux pays en développement, n’a pas été atteint; 20 milliards de dollars américains manquaient à l’appel. Ces fonds sont censés aider les pays en développement à faire sortir les combustibles fossiles de leur économie. La participation des grands gestionnaires d’actifs est certainement importante, mais faire en sorte que les économies en développement ne se tournent plus vers le charbon pour produire leur électricité est un moyen beaucoup plus économique de réduire les émissions mondiales. Nous devrons tirer parti de tous les avantages économiques possibles pour retirer les activités à intensité carbonique de l’économie mondiale et ainsi limiter les conséquences environnementales et économiques des changements climatiques.
La situation du Canada
Le saviez-vous? Le Canada a pris un certain nombre de nouveaux engagements en matière de politique climatique avant et pendant la COP26, entre autres :
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Réduire les émissions de GES de 40 % à 45 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030.
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Mettre en place un réseau d’électricité propre d’ici 2035.
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Limiter les achats de nouveaux véhicules aux véhicules zéro émission (VZE) d’ici 2035.
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Plafonner les émissions de carbone du secteur pétrolier et gazier aux niveaux actuels et réduire celles-ci au fil du temps.
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Réduire de 75 % les émissions de méthane du secteur pétrolier et gazier d’ici 2030.
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Mettre fin à la déforestation dans le monde.
Malgré ses nouveaux engagements, le Canada n’a toujours pas pris les mesures suffisantes pour atteindre un taux d’émissions en 2030 qui cadre avec l’objectif de carboneutralité d’ici 2050. D’ici 2030, le Canada devra probablement réduire ses émissions de 12 % de plus que la cible fixée à la conférence de Glasgow. Le secteur pétrolier et gazier ainsi que le secteur du transport sont les secteurs économiques les plus susceptibles d’avoir à assumer le fardeau de cet effort supplémentaire. Ensemble, ces deux secteurs représentaient 52 % des émissions en 2019 et sont les principaux responsables de la hausse des émissions au Canada depuis le début des années 1990. Ces secteurs se dressent en plein milieu de la voie vers la carboneutralité au Canada.
La COP26 a suscité tant de l’espoir que de la déception quant au rôle que le secteur du transport sera appelé à jouer dans la transition à la carboneutralité. Dans la plupart des économies développées, les grands constructeurs automobiles se sont engagés à passer aux VZE à temps pour 2035; cependant, ils n’ont pas promis de le faire à l’échelle mondiale d’ici 2040. Il n’est pas si simple de passer des véhicules conventionnels aux VZE partout dans le monde. Il y a un certain nombre d’effets de réseau qui font en sorte qu’il est difficile pour les constructeurs d’être les premiers à bouger. Par exemple, le Canada devra mettre en place une infrastructure parallèle de bornes de recharge correspondant aux quelque 12 000 stations-service que nous comptons actuellement et, pour ce faire, il faudra une combinaison d’investissements publics et privés qui nécessiteront une coordination par le gouvernement – ce que le fédéral a promis de faire officieusement seulement. Pour le Canada, la transition qui s’impose dans le secteur du transport sera en grande partie positive. Le secteur manufacturier de l’Ontario et du Québec profite déjà de nouveaux investissements et, grâce à d’importantes ressources hydroélectriques et d’autres ressources renouvelables, les deux provinces sont bien positionnées pour tirer parti de la transition.
Pour ce qui est du secteur pétrolier et gazier, les engagements actuels du Canada laissent croire qu’un certain ralentissement de la production est inévitable. Une technologie de captage, d’utilisation et de stockage du carbone plus rentable pourrait compenser les diminutions de la production, mais la réglementation actuelle sur les grands émetteurs en Alberta offre moins d’incitatifs aux producteurs pour qu’ils atténuent les émissions aux tarifs actuels pour le carbone, comparativement à avant. Il existe des moyens d’amener le Canada à atteindre sa nouvelle cible sans devoir mettre la hache dans la production pétrolière et gazière du pays, mais ceux-ci demanderont des investissements considérables pour rendre les bâtiments, l’électricité, les déchets et les transports plus écologiques au cours des neuf prochaines années. Si nous pouvons réduire les émissions d’au moins 75 % pour les bâtiments (12 % des émissions) et l’électricité (8 % des émissions), 50 % pour les transports et les déchets (7 % des émissions) et 25 % pour l’industrie lourde, alors le secteur pétrolier et gazier n’aurait à assumer qu’une réduction de 20 % de ses émissions d’ici 2030 pour nous permettre d’atteindre notre cible fixée à la conférence de Glasgow. Plus les progrès seront limités dans ces autres secteurs, plus nous devrons compter sur les diminutions de la production pour combler l’écart. Puisqu’aucun détail sur le moment et l’ampleur des diminutions de la production n’est donné, l’analyse sectorielle laisse penser qu’il est difficile d’imaginer un scénario sans au moins un modeste impact sur la production d’ici 2030.
Un défi national et des conséquences régionales
Environ 6,5 % du PIB du Canada (avant la pandémie) provenait de l’extraction de pétrole et de gaz et des activités de soutien connexes, mais en Alberta, ce même pourcentage s’élevait à près de 19 %. Cette distinction met en évidence que, bien que les changements climatiques exigent une intervention à l’échelle nationale, cette intervention a de sérieuses répercussions régionales. Le premier ministre l’a d’ailleurs reconnu dans son allocution à la COP26 tandis qu’il s’engageait à plafonner les émissions du secteur gazier et pétrolier : « Ce n’est pas une mince affaire pour un grand pays producteur de pétrole et de gaz. » La concentration du secteur pétrolier et gazier, principalement dans les Prairies, est représentée par les tendances régionales des émissions à l’échelle des provinces. Même si elle fait moins d’un tiers de la taille de l’Ontario, l’Alberta émet 100 mégatonnes d’équivalent CO2 de plus que la plus grande province du pays. Il est donc évident que les provinces productrices de pétrole devront assumer une part disproportionnée du fardeau de la réduction de nos émissions. Les différences dans les tendances provinciales des émissions indiquent qu’il n’y a pas de solution unique pour réduire les émissions au Canada, et qu’il faudra faire des ajustements, des innovations et des sacrifices différents d’une province à l’autre. En particulier, le gouvernement fédéral devra jouer l’important rôle de veiller à ce que la transition vers l’abolition de l’utilisation intensive des combustibles fossiles fonctionne pour tous les Canadiens. Cela signifie qu’il faudra probablement offrir plus de soutien aux provinces comme l’Alberta et la Saskatchewan qu’au reste du pays.
Ces écarts régionaux se démarquent notamment dans le secteur de l’électricité. Le Canada n’a en fait pas « un » secteur de l’électricité, mais bien 13 secteurs particuliers. Le clivage le plus important se trouve entre les provinces et les territoires qui ont d’importantes ressources hydroélectriques et ceux qui n’en ont pas. Les provinces qui n’ont pas de ressources hydroélectriques ont tendance à produire beaucoup plus d’électricité à partir de combustibles fossiles. Heureusement, la plupart des provinces qui dépendent des combustibles fossiles sont souvent assez près d’un grand producteur hydroélectrique. À l’heure actuelle, les incitatifs ne concordent pas toujours lorsqu’il est question de coordonner l’approvisionnement en électricité entre les provinces. Les structures de marché diffèrent, ce qui rend difficile de savoir qui profite de l’achat et de la vente d’électricité au-delà des frontières provinciales. La construction d’infrastructures linéaires est également devenue plutôt litigieuse ces derniers temps, et c’est justement l’occasion pour le gouvernement fédéral d’assurer une meilleure coordination des ressources en électricité nationales pour que nous puissions atteindre les objectifs de notre politique climatique. Réaliser nos ambitions climatiques de 2030 sans une telle coordination ne sera pas possible. En effet, il sera difficile de fournir des solutions d’électricité de base en remplacement du charbon et du gaz naturel dans les délais prescrits, à moins que les provinces choisissent de réinvestir dans la production d’énergie nucléaire – une mesure qui va à l’encontre des tendances récentes.
La voie à suivre en matière de politique climatique
Les données du Bureau d’assurance du Canada montrent qu’au cours de neuf des dix dernières années, les indemnités d’assurance pour pertes catastrophiques ont dépassé le milliard de dollars, comparativement à une moyenne de 400 millions de dollars au cours des 26 années précédant 2009. Afin d’éviter une nouvelle escalade des dommages causés par le climat, les ménages et les entreprises ont besoin de signaux qui les aideront à passer à des activités à intensité carbonique moins élevée au fil du temps. Bien que le calendrier de tarification du carbone proposé au Canada (s’il est adopté) soit en grande partie conforme à une trajectoire de carboneutralité jusqu’en 2030, il subsiste une certaine incertitude quant à l’orientation de ce levier stratégique au-delà de 2030 et à la portée de son application aux secteurs à forte intensité carbonique. La tarification du carbone au Canada devrait probablement atteindre plus de 600 $ par tonne d’équivalent CO2 d’ici 2050 (en valeur réelle) pour être conforme à une économie carboneutre. Le calendrier actuel ne donne aucune indication sur la tarification du carbone une fois que les 170 $ par tonne (en valeur nominale) seront atteints d’ici 2030. À l’heure actuelle, nous protégeons nos secteurs à forte intensité d’émissions contre le coût total de la taxe sur le carbone, mais cela devra changer d’ici 2030 si nous voulons atteindre nos objectifs climatiques. L’un des mécanismes permettant de réaliser cette ambition serait l’établissement d’une taxe carbone aux frontières. Toutefois, comme les États-Unis n’ont toujours pas de tarification nationale du carbone, il sera difficile d’aller de l’avant sans se coordonner avec eux. Ne pas le faire serait coûteux, car des politiques de carboneutralité divergentes entraîneront des coûts économiques beaucoup plus importants (p. ex., les tarifs pour le carbone devront probablement être 2,5 fois plus élevés d’ici 2050) qu’un effort mondial coordonné pour les pays qui atténuent leurs émissions.
Conclusion: Avec la COP26 en rétrospective, le Canada fait face à une transition difficile. Les coûts et les avantages associés à la réduction des émissions de GES sont diffus. Afin de limiter l’incertitude liée à la politique climatique et les conséquences économiques négatives, il faudra assurer une meilleure coordination nationale entre un certain nombre de secteurs de l’économie.
Erik Johnson, Économiste
Alors que les négociations se terminent à la COP26 à Glasgow, le Canada et le reste du monde se trouvent au bord du gouffre. Malgré leur volonté de limiter le réchauffement climatique à un niveau inférieur à 2°C d’ici 2100, les pays ont pris au cours des dernières semaines des engagements qui ne cadrent toujours pas avec les mesures requises pour réaliser l’objectif fixé. Selon le plus récent rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement, le monde s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) dans une proportion équivalente à environ la moitié seulement de la réduction de GES prescrite par l’objectif de l’Accord de Paris (un niveau bien inférieur à 2°C). Il y a encore lieu de faire preuve d’un optimisme prudent : si l’on tient compte des plus récentes promesses de carboneutralité faites durant la COP26 (p. ex., l’Inde d’ici 2070), le monde comblerait en grande partie l’écart entre ses ambitions en matière de lutte contre les changements climatiques et les mesures à prendre pour limiter le réchauffement à un niveau inférieur à 2°C. Cependant, beaucoup des promesses faites n’étaient accompagnées d’aucun détail. Par exemple, l’Inde s’est engagée à produire 50 % de son électricité au moyen de sources renouvelables d’ici 2030, sans toutefois présenter son plan – c’est un projet ambitieux pour un pays où près de 91 % de l’électricité a été produite au moyen de combustibles fossiles en 2019. Les États-Unis et la Chine ont pris un engagement commun de réduction des émissions au cours de la présente décennie, qui lui aussi manque de substance. Autrement dit, on estime que les émissions de GES ont diminué d’environ 7 % à l’échelle mondiale en 2020 – année au cours de laquelle plus de quatre milliards de personnes ont fait l’objet d’un confinement rigoureux pendant une période donnée – et à partir de maintenant, nous devrons obtenir une telle diminution chaque année pour rester en voie d’atteindre l’objectif de carboneutralité d’ici 2050. Bref, les détails sont importants.
Pour nous aider à y arriver, le secteur de la finance a fait un grand pas en avant. Le 3 novembre, l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, a annoncé qu’il avait obtenu des engagements de la part d’investisseurs institutionnels (y compris les six grandes banques canadiennes) représentant au total un actif de 130 mille milliards de dollars américains pour l’alliance Glasgow Financial Alliance for Net Zero. Bien que cet engagement ait dépassé son objectif de 100 mille milliards de dollars américains et qu’il montre clairement que le secteur privé est prêt à fournir les fonds nécessaires pour rendre le monde carboneutre, l’autre grand objectif financier de la conférence, soit de fournir 100 milliards de dollars américains en aide aux pays en développement, n’a pas été atteint; 20 milliards de dollars américains manquaient à l’appel. Ces fonds sont censés aider les pays en développement à faire sortir les combustibles fossiles de leur économie. La participation des grands gestionnaires d’actifs est certainement importante, mais faire en sorte que les économies en développement ne se tournent plus vers le charbon pour produire leur électricité est un moyen beaucoup plus économique de réduire les émissions mondiales. Nous devrons tirer parti de tous les avantages économiques possibles pour retirer les activités à intensité carbonique de l’économie mondiale et ainsi limiter les conséquences environnementales et économiques des changements climatiques.
La situation du Canada
Le saviez-vous? Le Canada a pris un certain nombre de nouveaux engagements en matière de politique climatique avant et pendant la COP26, entre autres :
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Réduire les émissions de GES de 40 % à 45 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030.
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Mettre en place un réseau d’électricité propre d’ici 2035.
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Limiter les achats de nouveaux véhicules aux véhicules zéro émission (VZE) d’ici 2035.
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Plafonner les émissions de carbone du secteur pétrolier et gazier aux niveaux actuels et réduire celles-ci au fil du temps.
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Réduire de 75 % les émissions de méthane du secteur pétrolier et gazier d’ici 2030.
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Mettre fin à la déforestation dans le monde.
Malgré ses nouveaux engagements, le Canada n’a toujours pas pris les mesures suffisantes pour atteindre un taux d’émissions en 2030 qui cadre avec l’objectif de carboneutralité d’ici 2050. D’ici 2030, le Canada devra probablement réduire ses émissions de 12 % de plus que la cible fixée à la conférence de Glasgow. Le secteur pétrolier et gazier ainsi que le secteur du transport sont les secteurs économiques les plus susceptibles d’avoir à assumer le fardeau de cet effort supplémentaire. Ensemble, ces deux secteurs représentaient 52 % des émissions en 2019 et sont les principaux responsables de la hausse des émissions au Canada depuis le début des années 1990. Ces secteurs se dressent en plein milieu de la voie vers la carboneutralité au Canada.
La COP26 a suscité tant de l’espoir que de la déception quant au rôle que le secteur du transport sera appelé à jouer dans la transition à la carboneutralité. Dans la plupart des économies développées, les grands constructeurs automobiles se sont engagés à passer aux VZE à temps pour 2035; cependant, ils n’ont pas promis de le faire à l’échelle mondiale d’ici 2040. Il n’est pas si simple de passer des véhicules conventionnels aux VZE partout dans le monde. Il y a un certain nombre d’effets de réseau qui font en sorte qu’il est difficile pour les constructeurs d’être les premiers à bouger. Par exemple, le Canada devra mettre en place une infrastructure parallèle de bornes de recharge correspondant aux quelque 12 000 stations-service que nous comptons actuellement et, pour ce faire, il faudra une combinaison d’investissements publics et privés qui nécessiteront une coordination par le gouvernement – ce que le fédéral a promis de faire officieusement seulement. Pour le Canada, la transition qui s’impose dans le secteur du transport sera en grande partie positive. Le secteur manufacturier de l’Ontario et du Québec profite déjà de nouveaux investissements et, grâce à d’importantes ressources hydroélectriques et d’autres ressources renouvelables, les deux provinces sont bien positionnées pour tirer parti de la transition.
Pour ce qui est du secteur pétrolier et gazier, les engagements actuels du Canada laissent croire qu’un certain ralentissement de la production est inévitable. Une technologie de captage, d’utilisation et de stockage du carbone plus rentable pourrait compenser les diminutions de la production, mais la réglementation actuelle sur les grands émetteurs en Alberta offre moins d’incitatifs aux producteurs pour qu’ils atténuent les émissions aux tarifs actuels pour le carbone, comparativement à avant. Il existe des moyens d’amener le Canada à atteindre sa nouvelle cible sans devoir mettre la hache dans la production pétrolière et gazière du pays, mais ceux-ci demanderont des investissements considérables pour rendre les bâtiments, l’électricité, les déchets et les transports plus écologiques au cours des neuf prochaines années. Si nous pouvons réduire les émissions d’au moins 75 % pour les bâtiments (12 % des émissions) et l’électricité (8 % des émissions), 50 % pour les transports et les déchets (7 % des émissions) et 25 % pour l’industrie lourde, alors le secteur pétrolier et gazier n’aurait à assumer qu’une réduction de 20 % de ses émissions d’ici 2030 pour nous permettre d’atteindre notre cible fixée à la conférence de Glasgow. Plus les progrès seront limités dans ces autres secteurs, plus nous devrons compter sur les diminutions de la production pour combler l’écart. Puisqu’aucun détail sur le moment et l’ampleur des diminutions de la production n’est donné, l’analyse sectorielle laisse penser qu’il est difficile d’imaginer un scénario sans au moins un modeste impact sur la production d’ici 2030.
Un défi national et des conséquences régionales
Environ 6,5 % du PIB du Canada (avant la pandémie) provenait de l’extraction de pétrole et de gaz et des activités de soutien connexes, mais en Alberta, ce même pourcentage s’élevait à près de 19 %. Cette distinction met en évidence que, bien que les changements climatiques exigent une intervention à l’échelle nationale, cette intervention a de sérieuses répercussions régionales. Le premier ministre l’a d’ailleurs reconnu dans son allocution à la COP26 tandis qu’il s’engageait à plafonner les émissions du secteur gazier et pétrolier : « Ce n’est pas une mince affaire pour un grand pays producteur de pétrole et de gaz. » La concentration du secteur pétrolier et gazier, principalement dans les Prairies, est représentée par les tendances régionales des émissions à l’échelle des provinces. Même si elle fait moins d’un tiers de la taille de l’Ontario, l’Alberta émet 100 mégatonnes d’équivalent CO2 de plus que la plus grande province du pays. Il est donc évident que les provinces productrices de pétrole devront assumer une part disproportionnée du fardeau de la réduction de nos émissions. Les différences dans les tendances provinciales des émissions indiquent qu’il n’y a pas de solution unique pour réduire les émissions au Canada, et qu’il faudra faire des ajustements, des innovations et des sacrifices différents d’une province à l’autre. En particulier, le gouvernement fédéral devra jouer l’important rôle de veiller à ce que la transition vers l’abolition de l’utilisation intensive des combustibles fossiles fonctionne pour tous les Canadiens. Cela signifie qu’il faudra probablement offrir plus de soutien aux provinces comme l’Alberta et la Saskatchewan qu’au reste du pays.
Ces écarts régionaux se démarquent notamment dans le secteur de l’électricité. Le Canada n’a en fait pas « un » secteur de l’électricité, mais bien 13 secteurs particuliers. Le clivage le plus important se trouve entre les provinces et les territoires qui ont d’importantes ressources hydroélectriques et ceux qui n’en ont pas. Les provinces qui n’ont pas de ressources hydroélectriques ont tendance à produire beaucoup plus d’électricité à partir de combustibles fossiles. Heureusement, la plupart des provinces qui dépendent des combustibles fossiles sont souvent assez près d’un grand producteur hydroélectrique. À l’heure actuelle, les incitatifs ne concordent pas toujours lorsqu’il est question de coordonner l’approvisionnement en électricité entre les provinces. Les structures de marché diffèrent, ce qui rend difficile de savoir qui profite de l’achat et de la vente d’électricité au-delà des frontières provinciales. La construction d’infrastructures linéaires est également devenue plutôt litigieuse ces derniers temps, et c’est justement l’occasion pour le gouvernement fédéral d’assurer une meilleure coordination des ressources en électricité nationales pour que nous puissions atteindre les objectifs de notre politique climatique. Réaliser nos ambitions climatiques de 2030 sans une telle coordination ne sera pas possible. En effet, il sera difficile de fournir des solutions d’électricité de base en remplacement du charbon et du gaz naturel dans les délais prescrits, à moins que les provinces choisissent de réinvestir dans la production d’énergie nucléaire – une mesure qui va à l’encontre des tendances récentes.
La voie à suivre en matière de politique climatique
Les données du Bureau d’assurance du Canada montrent qu’au cours de neuf des dix dernières années, les indemnités d’assurance pour pertes catastrophiques ont dépassé le milliard de dollars, comparativement à une moyenne de 400 millions de dollars au cours des 26 années précédant 2009. Afin d’éviter une nouvelle escalade des dommages causés par le climat, les ménages et les entreprises ont besoin de signaux qui les aideront à passer à des activités à intensité carbonique moins élevée au fil du temps. Bien que le calendrier de tarification du carbone proposé au Canada (s’il est adopté) soit en grande partie conforme à une trajectoire de carboneutralité jusqu’en 2030, il subsiste une certaine incertitude quant à l’orientation de ce levier stratégique au-delà de 2030 et à la portée de son application aux secteurs à forte intensité carbonique. La tarification du carbone au Canada devrait probablement atteindre plus de 600 $ par tonne d’équivalent CO2 d’ici 2050 (en valeur réelle) pour être conforme à une économie carboneutre. Le calendrier actuel ne donne aucune indication sur la tarification du carbone une fois que les 170 $ par tonne (en valeur nominale) seront atteints d’ici 2030. À l’heure actuelle, nous protégeons nos secteurs à forte intensité d’émissions contre le coût total de la taxe sur le carbone, mais cela devra changer d’ici 2030 si nous voulons atteindre nos objectifs climatiques. L’un des mécanismes permettant de réaliser cette ambition serait l’établissement d’une taxe carbone aux frontières. Toutefois, comme les États-Unis n’ont toujours pas de tarification nationale du carbone, il sera difficile d’aller de l’avant sans se coordonner avec eux. Ne pas le faire serait coûteux, car des politiques de carboneutralité divergentes entraîneront des coûts économiques beaucoup plus importants (p. ex., les tarifs pour le carbone devront probablement être 2,5 fois plus élevés d’ici 2050) qu’un effort mondial coordonné pour les pays qui atténuent leurs émissions.
Conclusion: Avec la COP26 en rétrospective, le Canada fait face à une transition difficile. Les coûts et les avantages associés à la réduction des émissions de GES sont diffus. Afin de limiter l’incertitude liée à la politique climatique et les conséquences économiques négatives, il faudra assurer une meilleure coordination nationale entre un certain nombre de secteurs de l’économie.
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