Forum immobilier BMO : tracer la voie vers la carboneutralité


construction de bâtiments carboneutres

Compte tenu du rôle que jouent les bâtiments dans les émissions de gaz à effet de serre, il incombe au secteur de l’immobilier commercial de prendre l’initiative en matière de décarbonisation. Qu’il s’agisse de rénover des bâtiments existants ou de concevoir de nouvelles constructions en tenant compte de la durabilité, les promoteurs et les exploitants devront composer avec les nouvelles réglementations conçues pour répondre aux ambitions du Canada en matière de carboneutralité. Pour notre secteur, se conformer aux réglementations de demain signifie agir dès maintenant.


Lors du récent Forum immobilier BMO, leaders du secteur ont présenté leur point de vue sur les réglementations en matière de décarbonisation et leur impact, ainsi que sur les prochaines mesures concrètes que les promoteurs et les exploitants peuvent prendre.


  • checkmark icon

    Peter Gilgan est fondateur de Mattamy Homes et PDG de Mattamy Asset Management. Grand défenseur de l’accessibilité au logement, M. Gilgan a reçu certaines des plus hautes distinctions canadiennes en reconnaissance de ses réalisations pour la société canadienne, notamment une nomination en tant qu’Officier de l’Ordre du Canada.

  • checkmark icon

    Sean Pander, gestionnaire de bâtiments écologiques et résilients pour la ville de Vancouver.

  • checkmark icon

    James Nowlan, directeur exécutif de l’environnement et du climat de la ville de Toronto.

  • checkmark icon

    Sandrine Tremblay, coprésidente et directrice de la technologie et de l’innovation de Kolostat & Krome, une entreprise qui se spécialise dans les projets de réingénierie des systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation (CVC) afin de décarboniser les biens immobiliers.


Kate Low, vice-présidente régionale de BMO pour le financement immobilier, a joué le rôle de modératrice. Voici un résumé de leur discussion.


Pas à pas


Comme l’a noté M. Gilgan dans le rapport de Mattamy Homes sur le développement durable ​ (en anglais seulement), « [n]ous sommes la première génération à disposer des outils et de la technologie nécessaires pour lutter contre les changements climatiques, et la dernière génération à pouvoir le faire ». Pour le secteur, il s’agit d’atteindre un équilibre entre la durabilité, l’accessibilité financière et la prise de décisions commerciales prudentes sur le plan financier.


« Nous cherchons d’abord ce qui est le plus facile à réaliser et ce qui a le plus d’impact, puis nous continuons à travailler sur le terrain », a déclaré M. Gilgan. « Au départ, le secteur aura besoin d’un certain niveau de soutien de la part du gouvernement. Il ne s’agit pas nécessairement d’émettre des chèques, mais de mettre en place d’autres formes d’incitations pour que la majorité des organisations dans notre secteur veuille adopter ces mesures. »


M. Pander sait très bien comment les pouvoirs publics peuvent aider les promoteurs et les exploitants immobiliers à prendre en compte les émissions de carbone dans leurs projets. Comme il l’a expliqué, Vancouver est unique en ce sens qu’elle dispose de son propre règlement sur la construction ​ (en anglais seulement). Cette ville a également approuvé un plan de construction de bâtiments répondant à l’objectif de carboneutralité ​ (en anglais seulement) qui exige que la majorité des nouveaux bâtiments ne produisent aucune émission de gaz à effet de serre d’ici 2025, et que tous les nouveaux bâtiments ne produisent aucune émission d’ici 2030.


Vancouver est également la première ville au Canada à fixer des limites de gaz à effet de serre et d’énergie de chauffage pour les bâtiments existants. M. Pander a indiqué que les premières limites de gaz à effet de serre s’appliquent aux grands immeubles de bureaux et bâtiments commerciaux et qu’elles entreront en vigueur en 2026 ; les limites relatives à l’énergie thermique entreront en vigueur en 2040. Même si cela peut sembler loin, M. Pander a averti que le temps pour agir est plus court qu’il n’y paraît.


« Il n’y aura qu’une seule occasion rentable de respecter [ces limites], et c’est lorsque votre installation de chauffage ou de refroidissement arrivera en fin de vie, et vous n’aurez qu’une seule chance de le faire », a déclaré M. Pander. « Il est important que les personnes possédant des portefeuilles dans ces bâtiments à Vancouver examinent leur consommation de gaz, et commencent à réfléchir au moment où ces équipements arriveront en fin de vie et à planifier leur remplacement. Vous pouvez encore utiliser un peu de gaz ; il ne s’agit pas d’une interdiction du gaz. Il s’agit d’une réduction importante de la consommation de gaz, et il faut commencer à envisager des refroidisseurs à récupération de chaleur, des pompes à chaleur à air ou d’autres technologies courantes qui peuvent assurer cette fonction de chauffage et de refroidissement de manière très efficace. »


L’approche de Toronto est similaire à celle de Vancouver. La norme verte de Toronto exigera que les bâtiments construits à partir de 2030 n’émettent presque aucune émission de carbone ​ (document en anglais seulement). « Les délais sont toujours difficiles à respecter, qu’il s’agisse de 2040 ou même simplement de réductions significatives des émissions », a déclaré M. Nowlan. « Il est essentiel que les propriétaires de bâtiments commencent à planifier très tôt ces voies de réduction et à les intégrer le plus tôt possible dans leurs plans d’investissement. »


Systèmes de soutien


Pour les promoteurs et les exploitants d’autres régions, M. Nowlan explique que les grandes villes donnent souvent le ton, ce qui se répercute sur les autres municipalités. « En règle générale, Vancouver, Toronto ou Montréal ouvrent souvent la voie en termes d’élaboration de politiques. Les grandes villes font le gros du travail, et une partie de notre travail consiste à le transmettre aux autres municipalités. Nous travaillons en étroite collaboration avec Ottawa et nos partenaires de la région afin d’assurer une certaine cohérence dans la manière dont les municipalités abordent la question. »


Les promoteurs doivent comprendre qu’une vague de réglementation sur la construction de bâtiments carboneutres est à venir, et qu’il est temps de commencer à investir dans le personnel et les technologies dont ils auront besoin pour s’y conformer. Mais comment les municipalités soutiennent-elles les promoteurs et les exploitants dans la planification des changements réglementaires à venir ? M. Pander a indiqué que Vancouver cherchait à développer des outils numériques pour les petits propriétaires de portefeuilles, qui n’ont peut-être pas accès aux outils sophistiqués dont disposent les grands exploitants, afin de les aider à élaborer leurs plans de rénovation.


Selon M. Nowlan, l’objectif de Toronto est double. Tout d’abord, il s’agit de fournir des ressources telles qu’un soutien intégré à la rénovation pour aider les propriétaires de bâtiments qui n’ont peut-être pas de conseillers en énergie en interne à déterminer les mesures à prendre pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. D’autre part, il s’agit d’aider les promoteurs à préparer le terrain en vue de l’inévitable transformation du marché qu’entraîneront la durabilité et la décarbonisation.


« L’un des plus grands défis à relever concernera la main-d’œuvre nécessaire pour mettre en œuvre ce type de projets », a déclaré M. Nowlan. « Nous devrons travailler avec les installateurs et les fournisseurs sur le marché pour nous assurer de disposer d’une filière fiable pour les technologies et les projets que nous voulons mettre en œuvre. La ville de Toronto est relativement importante, et nous pouvons donc jouer un rôle clé en aidant à fournir une certaine assurance à la main-d’œuvre en ce qui concerne ces projets, et les investissements qu’elle devra faire en formation, afin de répondre à la demande. Les propriétaires de bâtiments auront alors la certitude que lorsqu’ils mettront en œuvre un projet, il y aura quelqu’un pour effectuer les installations et les soutenir dans leur travail. »


Alignement interne


La décarbonisation des actifs pour se conformer aux réglementations prévues peut sembler une tâche insurmontable. Mais comme l’a souligné Mme Tremblay, les réglementations existent pour inciter à l’action. En tant que chef de file du secteur dans l’élaboration de solutions conformes aux nouvelles exigences en matière de climat et de durabilité, Mme Tremblay a déclaré que l’engagement de tous les membres d’une organisation est la clé du succès. Quelle que soit la taille de l’entreprise, la première étape consiste à s’assurer que tous les services clés s’entendent sur la manière de s’attaquer aux émissions de carbone en tant que risque financier.


De plus, que vous ayez un seul bâtiment ou 100 bâtiments dans votre portefeuille, Mme Tremblay estime que vous devrez élaborer un plan sur 10 ans décrivant la façon dont vous comptez vous conformer aux réglementations existantes et nouvelles. Lorsque viendra le moment de remplacer une chaudière, par exemple, vous devrez respecter les nouvelles réglementations et, pour ce faire, recourir probablement à une solution différente.


« Mais pour sortir des sentiers battus, il faut disposer d’une équipe interne parfaitement soudée et d’un bon partenaire capable de gérer ces nouvelles réglementations et les nombreux défis techniques qui peuvent se présenter », a déclaré Mme Tremblay.


Avantages financiers


Pour les propriétaires et les exploitants de certaines catégories de bâtiments dans les grandes municipalités, la mise en conformité avec les réglementations prévues doit figurer sur la liste des priorités. Cela implique de s’assurer que l’on dispose du financement et des partenaires nécessaires à la réalisation des travaux.


Certains propriétaires et promoteurs peuvent être réticents face aux dépenses initiales associées aux efforts de décarbonisation, mais M. Gilgan a expliqué pourquoi il est essentiel d’avoir une vision à long terme pour comprendre les avantages financiers.


« Lorsqu’on économise de l’énergie, on économise aussi de l’argent », a déclaré M. Gilgan. « Et cette économie financière sur la facture annuelle ou mensuelle d’électricité n’est pas gratuite. Elle se fait au prix d’un investissement plus important dans des technologies durables. Des technologies qui, bien qu’elles coûtent plus cher, peuvent dans certains cas être facilement financées par les économies réalisées sur la facture d’énergie. C’est un aspect qui échappe à beaucoup d’entre nous : la moitié de la solution se trouve juste devant nos yeux. L’argent est déjà disponible. »


« C’est une question de gestion des risques pour les propriétaires d’immeubles », a déclaré Mme Tremblay. « Les grands promoteurs ont déjà commencé à mettre leurs plans à exécution. Lorsqu’ils commenceront à avoir des portefeuilles plus « verts », s’il vous reste des actifs considérés comme nuisibles à l’environnement, leur valeur sera de plus en plus affectée au fil du temps. C’est donc une question de gestion des risques que de commencer à s’y préparer et de faire quelque chose pour y remédier. Il ne s’agit même plus d’une question d’environnement, mais d’une question financière. Pour garantir la valeur de votre actif, vous devez agir maintenant.