Optimiser la vente d’une entreprise privée en période de difficultés économiques

Chaque période de ralentissement économique présente des défis pour les propriétaires d’entreprise. Après plus de deux années sans précédent de perturbations des chaînes d’approvisionnement, de hausse des taux d’intérêt, d’inflation, de conflits mondiaux, de tension au sein du marché du travail et de crises de santé publique, le paysage économique et commercial actuel dans l’ensemble est toujours marqué par l’incertitude. L’un ou l’autre de ces facteurs peut influencer les parties prenantes lors d’une potentielle vente d’entreprise et, au bout du compte, avoir une incidence sur la capacité d’exécuter une transaction. De nombreux entrepreneurs ont réussi à traverser les récessions et les replis économiques passés, et le présent article explore les facteurs actuels à prendre en compte lors de la vente d’une entreprise privée.
La vente d’une entreprise est une démarche complexe, même dans les meilleures périodes, et le contexte actuel a modifié l’appétit de certains acheteurs et les pousse à faire preuve de diligence raisonnable. Le marché demeure ouvert, en particulier pour les entreprises de qualité dont la valeur est inférieure à plusieurs centaines de millions de dollars. C’est pourquoi il est essentiel d’avoir établi des objectifs clairs et réfléchis, de s’être préparé de manière exhaustive et d’avoir une bonne équipe de direction avant d’amorcer le processus de vente afin que la transaction soit optimale. Quelles sont donc les étapes que vous devez suivre pour atténuer le risque de marché et optimiser la vente de votre entreprise?
Les objectifs des parties prenantes doivent être clairs pour le bon déroulement de la transaction
Il y a beaucoup d’objectifs à prendre en compte avant de vendre son entreprise. De nombreux propriétaires d’entreprise amorcent le dialogue en mettant l’accent sur la valeur, mais il y a d’autres facteurs tout aussi importants à prendre en compte, comme la structure de la transaction, la rapidité du processus, la protection des renseignements exclusifs et le rôle des employés clés après la vente.
Certains éléments généraux peuvent influencer un processus de vente, tant en ce qui a trait à la valeur qu’à l’échéancier global : la capacité à prévoir avec précision le rendement de l’entreprise, la solidité de la propriété intellectuelle, et la nature des relations avec les clients. La plupart des acheteurs, surtout les investisseurs financiers, comme les sociétés de capital-investissement, porteront également une attention particulière aux antécédents de l’équipe de direction, au capital nécessaire à la croissance des activités et à la résilience de l’entreprise par rapport aux chocs économiques en général.
Un acheteur qui exerce déjà ses activités dans une entreprise similaire ou connexe pourrait être en mesure d’augmenter la valeur en envisageant la vente croisée dans le cadre d’activités plus larges, les synergies (économies d’échelle, économies liées à l’approvisionnement) et l’intégration de la marque. Lorsque les propriétaires établissent à l’interne la valeur de leur entreprise, il est important qu’ils tiennent compte des priorités relatives des différents acheteurs potentiels et du point de vue selon lequel ils approchent habituellement une transaction.
La structure sous-jacente d’une transaction de vente peut également avoir une incidence sur la valeur. Un vendeur qui souhaite maintenir une participation en actions et continuer d’agir à titre de gestionnaire ou de conseiller pourrait élargir l’éventail des investisseurs en capital potentiels tout en donnant lieu à des options plus variées et réalisables. À l’inverse, l’obligation de vendre la totalité des actions de l’entreprise et de passer rapidement le flambeau une fois la vente conclue, en particulier lorsque le propriétaire joue un rôle opérationnel important dans l’entreprise, pourrait restreindre l’éventail des acheteurs potentiels à ceux qui ont la possibilité de pourvoir rapidement les postes opérationnels d’actionnaires sortants et de placer des dirigeants à des postes de direction clés.
La confidentialité du processus est également importante. Il existe un processus formel conçu pour fournir des quantités croissantes de renseignements à un ensemble d’acheteurs de plus en plus restreint et qualifié. Lorsqu’il cherche un acheteur, le vendeur doit être disposé à prendre un risque mesuré en divulguant des renseignements à des tiers, et en investissant du temps et des ressources pour étudier et bien comprendre l’intérêt sur le marché.
BMO, par exemple, a récemment conseillé une entreprise de services régionale qui avait exprimé des préoccupations quant à la confidentialité du processus de vente auprès de ses fournisseurs et de ses employés clés. Un processus de vente ciblé auprès de cinq acheteurs hautement qualifiés ainsi que des messages clairs concernant les objectifs et les échéances ont donné lieu à une évaluation supérieure et un déroulement concis et discret.
On peut être mal à l’aise de divulguer des renseignements confidentiels au début, mais une approche structurée assortie de mesures de protection de la confidentialité peut atténuer les risques liés au processus, et est essentielle pour générer des offres fiables sur le marché. Au bout du compte, il s’agit de calibrer ses objectifs en fonction de son appétit pour le risque.
Une préparation exhaustive pour réduire les accrocs pendant le processus
Lorsqu’on négocie avec un acheteur, il est essentiel de garder le rythme grâce à un processus bien géré. Il faut être prêt à prendre des décisions et à répondre aux questions de diverses parties prenantes en temps opportun. C’est pourquoi nous conseillons à nos clients de consacrer du temps à une préparation en amont (dossiers d’entreprise bien organisés, prévisions justifiables, présentations claires, etc.) afin qu’ils puissent répondre rapidement et de manière exhaustive aux questions des divers acheteurs. Ce faisant, les acheteurs auront confiance en la fiabilité des renseignements que vous leur fournissez, et ils constateront aussi que vous connaissez bien votre entreprise, ses perspectives et ses flux de trésorerie durables – tout cela leur permettra de présenter leur meilleure offre. Cette confiance aura une incidence positive sur leurs discussions avec les prêteurs et les sources de capitaux, ce qui est encore plus important dans un contexte de resserrement de l’économie.
Les plus grands risques liés à la conclusion d’une transaction de vente sont les mauvaises surprises et le manque d’élan. Si vous n’êtes pas bien préparé, vous pourriez avoir besoin de temps supplémentaire, et chaque fois que vous n’êtes pas en mesure de fournir des réponses en temps opportun, l’incertitude de l’acheteur s’en trouve accentuée. Dans un contexte économique marqué par l’incertitude, les acheteurs utiliseront ce facteur à leur avantage. C’est pourquoi ils sont nombreux à faire appel à un cabinet comptable externe pour un examen financier détaillé de l’entreprise, en plus de recueillir, d’organiser et d’examiner eux-mêmes l’information d’entreprise.
Une analyse financière détaillée permet de repérer les dépenses non récurrentes (qui peuvent accroître la valeur de votre entreprise) et de quantifier l’incidence future des améliorations opérationnelles; les acheteurs pourraient poser des questions à ce sujet dans le cadre du processus détaillé de diligence raisonnable. Ces renseignements s’avèrent également utiles au moment d’établir des prévisions pour des présentations destinées aux acheteurs potentiels. D’après notre expérience, une prévision devrait être « optimiste, mais réalisable », car les écarts négatifs pendant la phase de négociation donnent l’occasion à l’acheteur de modifier les modalités de son offre.
Récemment, BMO a conseillé une société de distribution nationale comptant de nombreux actionnaires dans le cadre d’un processus de vente. Il y avait plusieurs catégories d’acheteurs potentiels, et notre préparation a nécessité plusieurs analyses financières et opérationnelles. L’équipe de vente a ainsi été en mesure de mettre en évidence différents aspects de l’entreprise auprès de différents acheteurs, ce qui a débouché sur de nombreuses offres crédibles (plus de 30). Les acheteurs potentiels étaient très bien informés en amont des rencontres en personne, ce qui a permis aux actionnaires de faire un choix éclairé quant à l’acheteur final.
Le fait de se préparer permet aux actionnaires de comprendre les différentes approches des acheteurs tout en contribuant à maintenir le bon déroulement et l’élan du processus, ce qui est essentiel à l’optimisation des modalités et de la structure finales de la transaction.
Présenter l’équipe de direction sous son meilleur jour permet de renforcer la confiance des acheteurs
La vente d’une entreprise demande beaucoup de temps aux dirigeants clés. C’est pourquoi la gestion des talents est cruciale lors des négociations. Au cours du processus, vous pourriez devoir augmenter le nombre d’employés ou recourir à l’externalisation (dans la mesure du possible) afin que les personnes clés puissent gérer efficacement la transaction tout en exerçant leurs responsabilités actuelles. Il se pourrait que les gestionnaires ou les leaders clés n’offrent pas le niveau de service auquel vos clients principaux sont habitués s’ils sont distraits par le processus de vente, ce qui peut présenter des risques à long terme pour l’entreprise.
Nous avons également constaté que les entreprises qui dépendent trop fortement d’une seule personne sont souvent moins attrayantes aux yeux des acquéreurs. En effet, si la personne qui détient toute l’expertise et qui entretient toutes les relations clés est aussi la personne qui cherche à vendre l’entreprise, cela peut habituellement avoir une incidence négative sur la valeur et l’attrait commercial. L’acquéreur doit savoir que l’entreprise restera solide même après le départ de son dirigeant; le risque est tout simplement trop élevé lorsque c’est une seule personne qui détient toutes les cartes. De plus, le processus tend à être plus lent, car les parties prenantes se retrouvent dans un goulot d’étranglement en traitant avec une seule personne plutôt qu’une équipe.
Il est important que vous permettiez aux membres de votre équipe de direction de se concentrer et de se présenter sous leur meilleur jour lorsqu’ils négocient avec les acheteurs. Cela implique souvent d’établir des dispositions financières particulières liées à des résultats positifs. Ces paiements conditionnels sont souvent structurés de manière à être versés à certaines étapes importantes une fois la vente conclue et indiquent au nouveau propriétaire que les dirigeants clés demeureront au sein de l’entreprise après la transaction.
Dans un cas de ce genre, BMO a agi à titre de conseiller auprès d’une famille lors de la vente de son organisation, une entreprise multigénérationnelle d’envergure internationale. En amont du processus officiel, la famille avait transféré le contrôle opérationnel à une équipe de direction, qu’elle a pleinement soutenue tout au long du processus de vente. De plus, les actionnaires avaient offert d’importants paiements conditionnels au personnel de direction clé, ce qui a permis tant aux actionnaires qu’à la direction de rester concentrés et motivés, et d’agir de concert tout au long du processus.
Même en période de difficultés économiques, l’objectif consiste à attirer le bon acheteur et à optimiser la transaction dans son ensemble. Les propriétaires d’entreprise qui maîtrisent les bases (prévisions exactes, relations solides avec les clients, équipe de direction très motivée) et qui consacrent le temps et les ressources nécessaires pour se préparer au processus de vente sont les mieux placés pour optimiser la vente de leur entreprise.
Gary Chung, premier directeur général, Fusions et acquisitions, Moyennes entreprises, a contribué à cet article.