Comment les investisseurs en capital-investissement changent-ils de priorité pour répondre aux nouvelles réalités en matière de placement

Il y a un an et demi, les entreprises en démarrage à forte croissance n’avaient pas à se demander d’où viendrait leur prochaine ronde de financement par actions. Les valorisations étaient en effervescence et les sociétés de capital-risque prêtes à payer des ratios élevés. Dans ce contexte, tant que les sociétés affichaient de solides données de croissance, les sources ne risquaient pas de se tarir.
Aujourd’hui, dans une période qui est marquée par l’inflation, la hausse des taux d’intérêt et la volatilité des marchés boursiers, le discours a changé. Les sociétés de capital-risque informent les sociétés de leur portefeuille qu’elles ne devraient pas s’attendre à mobiliser à court terme un nombre croissant d’actions avec des valorisations élevées. Par conséquent, les entreprises augmentent leurs liquidités pour s’assurer d’en avoir suffisamment pour financer leurs taux d’épuisement des fonds.
Compte tenu de l’incertitude économique actuelle, dans le sillage de la pandémie de COVID-19, les investisseurs de capital-investissement sont moins axés sur des indicateurs de croissance tape-à-l’œil que sur des preuves de l’efficacité et de la rentabilité d’une entreprise.
Comment en sommes-nous arrivés là?
En fonction du cycle économique, le marché accorde une importance différente à la croissance et à la rentabilité en tant que facteurs déterminants de la valorisation de l’entreprise. Alors, comment le changement actuel est-il advenu?
« En 2015 et en 2016, le marché était assez équilibré », affirme Vahe Akbarian, directeur général, Banque d’affaires, BMO Marchés des capitaux, qui couvre le secteur des technologies. « Les investisseurs cherchaient à attribuer une importance relativement similaire à la croissance et à la rentabilité, selon des données empiriques. Les choses ont commencé à changer en 2018 et 2019, lorsque les investisseurs ont commencé à accorder une pondération plus importante à la croissance, selon l’analyse de régression. Par ailleurs, la rentabilité – ou l’absence de rentabilité – était complétée par des indicateurs de rendement clés qui sont déterminants de la santé globale d’une entreprise. Ces mesures pouvaient comprendre des données comme le taux de roulement, la conservation des revenus nets, les coûts d’acquisition de clients, la durée du cycle de vente, le taux de recommandation net et la concentration de la clientèle. »
Après cette période de valorisation relativement saine, la pandémie a éclaté et a fait dégringoler les marchés. Cependant, lorsqu’une reprise a finalement eu lieu à la fin de 2020, les investisseurs en capital-investissement ont mis l’accent exclusivement sur la croissance, sans égard pour la rentabilité. Comme les taux d’intérêt sont effectivement à zéro et que les fonds regorgent de liquidités, le marché a été inondé de capitaux excédentaires, ce qui a entraîné une expansion vigoureuse des ratios. L’accent mis sur la croissance s’est maintenu jusqu’en novembre 2021, lorsque les craintes inflationnistes ont commencé à se manifester. Par la suite, le marché s’est rendu compte que les valorisations étaient trop élevées par rapport aux normes historiques, ce qui a entraîné une forte révision des valorisations, en particulier pour les titres dont la croissance est la plus forte et dont les taux d’épuisement des fonds sont les plus élevés.
Cela nous amène à la période actuelle, où le marché est revenu à une vision plus équilibrée de la croissance et de la rentabilité comme facteur déterminant de la valorisation. Tout compte fait, 2022 ressemble beaucoup plus à 2015, car dans un contexte où les craintes d’une récession dominent et où le financement n’est pas illimité, les investisseurs s’inquiètent de survivre à une croissance dynamique à tout prix.
De public à privé
Les marchés publics sont habituellement un indicateur avancé de l’évolution des marchés privés, souvent avec une anticipation de six à neuf mois. Alors, que font les marchés publics actuellement qui pourrait se profiler sur l’horizon des investisseurs privés?
« La volatilité est élevée et le marché n’a peut-être pas encore touché de creux, ce qui signifie que nous n’avons pas trouvé la stabilité dont nous avons besoin pour offrir les bonnes fonctionnalités sur les marchés de capitaux du côté public, affirme M. Akbarian. Une fois que nous aurons atteint cette plus grande certitude macroéconomique et une certaine stabilité sur les marchés, les investisseurs auront une plus grande visibilité en ce qui a trait au rendement et à la valorisation des sociétés. Cela s’applique à la fois à la mobilisation de fonds et aux fusions et acquisitions, étant donné que l’écart entre les cours acheteur et vendeur est à un sommet record à cause de l’évolution rapide et brutale de la situation ces huit derniers mois. »
Pendant cette période de volatilité et d’incertitude, BMO a observé que les investisseurs sur les marchés publics se sont tournés vers des sociétés qui ont démontré leur efficacité opérationnelle. Cette tendance commence à se propager sur les marchés privés, où les sociétés ayant besoin de plus de liquidités pourraient avoir plus de difficulté à réunir des capitaux.
Article initialement publié sur CVCA Central le 29/08/2022.