L’agriculture au Canada est l’un des plus anciens secteurs et continue de jouer un rôle économique essentiel, tant au pays qu’à l’étranger. Entre l’agriculture traditionnelle, la transformation des aliments et des boissons, l’innovation dans le secteur des technologies agricoles et plus encore, le secteur a généré environ 143,8 milliards de dollars, soit environ 7 %, du produit intérieur brut (PIB) du Canada en 20221.


Le secteur a beaucoup plus de potentiel, étant donné que les agriculteurs au Canada et partout dans le monde devront augmenter leur production alimentaire de 60 % d’ici 2050 pour répondre à la demande2. Pour répondre à la demande mondiale actuelle, le secteur doit mettre davantage l’accent sur des domaines comme l’innovation, l’efficacité opérationnelle et, surtout, la planification de la relève.


Selon Statistique Canada, 60,5 % des exploitants agricoles étaient âgés de 55 ans et plus en 2021, une proportion qui a augmenté au cours des dernières décennies3. Mais à une époque où la rareté des aliments est une préoccupation croissante, peu de gens ont un plan pour assurer la transition de leur entreprise. Jusqu’à 88 % des agriculteurs affirment n’avoir aucun plan de relève écrit en place3.


Préparation de la prochaine phase


L’élaboration de votre plan de relève doit commencer le plus tôt possible, car elle peut être longue et vous oblige à analyser tous les aspects de votre entreprise (et de votre vie). Que souhaitez-vous pour votre entreprise dans cinq ou dix ans? Quelle est la valeur de l’entreprise aujourd’hui et quelle sera-t-elle au moment de la vente? Qui gérera les fonds issus de la vente et de quelle manière? Qui, selon vous, pourrait être votre successeur?


La planification de la relève peut aller au-delà de l’idée traditionnelle consistant à transmettre l’entreprise aux enfants ou aux membres de la famille. Elle peut prendre d’autres formes, comme la vente de l’entreprise à un copropriétaire ou à un tiers, ou la planification avec les employés en place de la relève de la direction.


Le fait d’avoir un plan vous permet de ne pas laisser le sentiment d’urgence prendre le dessus sur ce qui est important.


« À BMO, nous nous efforçons d’interagir avec nos clients et leurs successeurs au moment opportun pendant le parcours de transition. Nous encourageons l’inclusion des successeurs dans les entretiens sur les services bancaires aux étapes appropriées pour l’entreprise, et nous souhaitons un dialogue ouvert à mesure que les activités sont transférées, en adaptant notre approche en conséquence. » – Christopher Costain, directeur général, Secteurs d’activité, Agriculture, BMO Entreprises, Canada


Prise en compte des questions d’ordre fiscal


À mesure que vous élaborez votre plan de relève, il est essentiel de tenir compte de la façon dont tous les membres de votre famille – qu’ils prennent en charge les activités agricoles ou qu’ils profitent de la vente d’actifs – peuvent être touchés sur le plan fiscal.


Bien qu’il existe plusieurs stratégies propres à l’agroentreprise qui peuvent vous aider à protéger votre entreprise et votre famille, il y a deux facteurs fiscaux clés à prendre en considération lorsque vous envisagez la succession d’une exploitation agricole : la déduction cumulative pour gains en capital et le roulement intergénérationnel.


Les critères d’admissibilité ne sont pas identiques pour les deux incitatifs fiscaux, même si, dans bien des cas, les deux peuvent potentiellement réduire ou reporter l’impôt sur les transferts de propriétés agricoles admissibles.


Déduction cumulative pour gains en capital


En tant que propriétaire d’une ferme canadienne, vous pouvez utiliser la déduction cumulative pour gains en capital – près d’un million de dollars en 2023 – afin de mettre à l’abri des gains en capital réalisés lors de la vente ou du transfert de terres utilisées dans une entreprise agricole canadienne ou une participation dans une société agricole familiale qui appartient à une société par actions ou une société en nom collectif. La déduction est réduite si la personne l’a déjà utilisée pour des demandes de règlement antérieures.


Votre admissibilité à cette déduction fiscale dépendra de plusieurs facteurs, notamment si vous participez activement à l’exploitation de l’entreprise agricole et si vous tirez un revenu plus élevé de sources autres que l’agriculture.


Si vous y êtes admissible, il existe de nombreuses façons de tirer le maximum de ses avantages. L’un de ces stratégies s’appelle la cristallisation. Cela vous permet de déclencher immédiatement la déduction cumulative pour gains en capital sans que la propriété agricole change de mains. Ainsi, l’assiette fiscale de la propriété augmente, ce qui réduit tout gain en capital potentiel sur une vente ou un transfert futur de la ferme.


Cette approche est souvent combinée à un gel successoral, ce qui permet de transférer la croissance future de l’entreprise agricole à des membres de la famille (plus jeunes) et d’immobiliser la valeur actuelle de la ferme afin qu’à votre décès, votre succession ne paie l’impôt que sur les gains en capital accumulés au moment du gel. Tout gain réalisé après le gel est éventuellement imposé entre les mains du nouveau propriétaire (enfant).


Roulement intergénérationnel


Grâce au roulement intergénérationnel, vous et votre famille pouvez, en théorie, reporter indéfiniment le paiement de l’impôt sur les gains en capital résultant des transferts admissibles de la ferme. Cette stratégie vous permet de transmettre la ferme familiale à vos enfants ou à vos petits-enfants résidents du Canada à l’abri de l’impôt de votre vivant ou à votre décès.


Vos enfants hériteront de votre assiette fiscale, ce qui signifie qu’ils seront éventuellement responsables de payer l’impôt, à moins qu’ils ne soient également admissibles à cette stratégie de report. Mais s’ils veulent bénéficier du produit de la vente plutôt que de voir leurs propres enfants reprendre l’exploitation, ils devront s’acquitter d’une facture potentiellement élevée (en supposant que la déduction pour gains en capital ne soit pas disponible).


Comme il s’agit de stratégies complexes, il est important de travailler avec un fiscaliste qui peut vous donner des conseils sur les répercussions fiscales propres à votre situation familiale, y compris l’impôt minimum de remplacement (IMR). Il est important de comprendre les changements récemment proposés à l’IMR, qui pourraient réduire les avantages relatifs à la déduction pour gains en capital.


La ferme familiale continue à jouer un rôle important dans l’économie canadienne et bénéficie à ce titre d’un statut particulier en vertu des lois fiscales du Canada. Toutefois, la planification fiscale pour la ferme familiale nécessite la consultation de conseillers professionnels, car les règles sont extrêmement techniques et complexes.


Comme le secteur agricole est le gagne-pain de nombreuses familles canadiennes et un élément essentiel à la prospérité de l’économie, il est important que les propriétaires de fermes prennent les mesures nécessaires pour transmettre leurs activités et leur propriété à quelqu’un d’autre. Un professionnel en services financiers peut vous guider à travers les complexités uniques de la planification de la relève dans votre secteur d’activité.


John Waters, vice-président et directeur des services de conseil en fiscalité, BMO Gestion privée a contribué à la rédaction de cet article.


1 https://agriculture.canada.ca/en/sector/overview

2 https://www.un.org/en/chronicle/article/feeding-world-sustainably#:~:text=According%20to%20estimates%20compiled%20by,toll%20on%20our%20natural%20resources.

3 https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/en/tv.action?pid=3210024401