Le premier budget du premier ministre Mark Carney a clarifié de nombreux plans de dépenses déjà annoncés et a présenté les priorités économiques du gouvernement.
Pour expliquer ce que les nouvelles mesures signifient pour les entreprises, les investisseurs et les ménages, et comment ce document de plus de 400 pages aura une incidence sur des thèmes clés tels que la compétitivité fiscale des entreprises et l’abordabilité, BMO a organisé un événement numérique intitulé « Premier coup d’œil sur le budget fédéral de 2025 ».
La conversation était animée par Camilla Sutton, première directrice générale et chef, Recherche sur les actions, Canada et Royaume-Uni, BMO Marchés des capitaux, et présentait le point de vue des panélistes suivants :
Doug Porter, économiste en chef et premier directeur général, BMO
Dante Rossi, directeur général, Planification fiscale, BMO Gestion privée
Voici les principaux points à retenir.
Perspectives économiques
Doug Porter a déclaré que le budget constituait un pas dans la bonne direction, car il permettait de mettre l’accent sur les investissements à long terme plutôt que sur les dépenses opérationnelles.
« Soyons réalistes, ils étaient limités par une économie sous-jacente faible et des frais d’intérêt encore relativement élevés, et ils ne pouvaient pas laisser le déficit augmenter beaucoup plus qu’ils ne l’ont fait, a-t-il déclaré. En dépit de ces contraintes strictes, ils ont réussi à faire beaucoup de choses. »
Dans l’ensemble, le budget a entraîné de nouvelles dépenses nettes d’environ 5 milliards de dollars au cours de la prochaine année, soit l’équivalent d’environ 0,1 % du PIB du Canada. Pour BMO, ce n’était pas suffisant pour modifier ses prévisions de croissance du PIB légèrement supérieure à 1 % après inflation, a indiqué M. Porter. Cela tient déjà compte d’une grande partie de la hausse des dépenses pour la défense et des mesures visant à stimuler le logement et les dépenses en immobilisations.
M. Porter ne s’attend pas à ce que le pays soit en récession. « Cette année, nous avons frôlé la catastrophe, a-t-il reconnu. Le PIB a carrément reculé au deuxième trimestre de l’année, mais il semble maintenant que l’économie a enregistré une croissance vraiment modeste au troisième trimestre, et nous nous attendons à une légère amélioration au cours des prochains trimestres en raison de la baisse des taux d’intérêt. »
Le marché du travail
Une mesure notable dans le budget concerne la manière dont le gouvernement aborde la question de l’emploi, qui, selon M. Porter, s’est détériorée au cours de l’année écoulée. Pour atteindre cet objectif, Ottawa ajuste ses cibles d’immigration afin de ralentir la croissance de la population active à un peu plus de zéro pour les prochaines années.
M. Porter a souligné l’importance du fait que le budget comprenait des cibles en matière d’immigration pour les quelques prochaines années et que cela était devenu un facteur important dans les perspectives économiques globales ces dernières années. Parallèlement, on assiste à une vague importante de départs à la retraite parmi la population active canadienne.
« C’est une nouvelle économique assez importante, a poursuivi M. Porter. Ils ont réaffirmé leur volonté de ralentir la croissance de la population pendant quelques années afin d’aider le marché du travail à mieux s’adapter à la forte hausse démographique précédente et de contribuer à un meilleur équilibre du marché de l’habitation. »
Abordabilité
En plus d’essayer d’alléger la pression sur la main-d’œuvre, le gouvernement cherche également à répondre aux préoccupations liées à l’abordabilité. « Leur objectif global est de continuer à offrir un réel soutien, en particulier en ce qui a trait au logement abordable, a expliqué M. Porter. À cet égard, ils cherchent à maintenir la croissance des mises en chantier à environ 250 000 logements ou plus par an. »
Les réductions de taux précédentes de la Banque du Canada (BdC) ont également contribué à rendre les logements plus abordables. Alors que la BdC laisse entendre qu’elle pourrait mettre fin à ses baisses pour un certain temps, M. Porter n’en est pas convaincu. « Notre point de vue officiel est que, après un léger retard, la BdC pourrait bien abaisser encore un peu plus son taux directeur en 2026 », a-t-il annoncé.
Dante Rossi a ajouté que le budget confirmait également l’intention d’Ottawa d’éliminer la TPS pour les acheteurs d’une première propriété lors de l’achat d’une propriété neuve d’une valeur maximale de 1 million de dollars et de réduire la TPS pour ces mêmes acheteurs lors de l’achat d’une propriété neuve d’une valeur comprise entre 1 million et 1,5 million de dollars.
Bonification des radiations pour les entreprises
Bien que les changements fiscaux touchant les sociétés et les particuliers aient été limités, la nouvelle la plus importante a été l’introduction d’une super déduction pour stimuler de nouveaux investissements de capital privé. Les incitatifs fiscaux bonifiés permettront aux entreprises de radier ou de passer en charges une part plus importante de ces investissements à des fins fiscales, a expliqué M. Rossi.
« La super déduction permettra aux entreprises de récupérer plus facilement et plus rapidement leurs coûts d’investissement par l’intermédiaire du régime fiscal, a-t-il noté. Ces super déductions sont réalisées au moyen du système canadien de déduction pour amortissement (DPA), qui permet de demander des déductions pour amortissement fiscal à différents taux, reflétant l’amortissement de diverses immobilisations. »
Ottawa mettra également en œuvre des mesures déjà annoncées, comme le rétablissement de l’incitatif à l’investissement accéléré, qui prévoit une radiation bonifiée pour la plupart des immobilisations pour la première année. La proposition phare permet de passer en charges immédiatement le coût lié aux bâtiments de fabrication et de transformation, mais cette mesure sera progressivement supprimée entre 2030 et 2033, a expliqué M. Rossi.
L’initiative de 1,2 milliard de dollars au cours des cinq prochaines années vise à renforcer la compétitivité du Canada par rapport aux États-Unis en réduisant le taux d’imposition effectif marginal global, qui pourrait être réduit de plus de deux points de pourcentage, a-t-il précisé.
Encourager l’innovation
Le budget a également confirmé les annonces précédentes concernant les encouragements pour la recherche scientifique et le développement expérimental (RS&DE). Le programme de la RS&DE offre des déductions fiscales et des crédits d’impôt à l’investissement pour les dépenses en recherche et développement (R et D) admissibles afin d’encourager les entreprises à mener des activités de R et D au Canada.
En vertu du programme incitatif, les dépenses admissibles sont entièrement déductibles dans l’année où elles sont effectuées. De plus, ces dépenses peuvent être admissibles à un crédit d’impôt à l’investissement à un taux majoré de 35 % pour les sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC), ou à un crédit d’impôt non remboursable de 15 % pour toutes les autres sociétés.
Parallèlement, le gouvernement envisage de faire passer la limite annuelle des dépenses de 3 millions de dollars à 6 millions de dollars et de relever le seuil de réduction progressive, afin de permettre aux grandes entreprises de bénéficier du crédit d’impôt bonifié.
Crédits d’impôt pour les particuliers
Du point de vue de l’impôt des particuliers, les annonces les plus importantes ont en fait été communiquées avant le jour de la publication du budget, notamment la réduction d’impôt pour la classe moyenne, qui a fait passer le taux marginal d’imposition des particuliers le plus bas de 15 % à 14 % à compter du 1er juillet 2025. Une nouvelle initiative ciblant les préposés aux bénéficiaires a été déposée. Le nouveau crédit d’impôt remboursable temporaire destiné aux préposés aux bénéficiaires équivaut à 5 % de leurs revenus admissibles, jusqu’à concurrence de 1 100 $ par an, a expliqué M. Rossi.
Étant donné qu’Ottawa réduit le taux marginal d’imposition des particuliers, certains crédits d’impôt non remboursables liés à ce taux d’imposition le plus bas ne sont plus aussi avantageux. Pour compenser ce changement, le budget présente un nouveau crédit d’impôt non remboursable complémentaire qui maintiendrait en pratique le taux actuel de 15 % pour les crédits d’impôt non remboursables réclamés sur des montants qui dépassent la première fourchette d’imposition.
Voici d’autres points saillants :
À compter de 2026, le budget modifiera les crédits existants afin de garantir qu’une dépense déclarée au titre du crédit d’impôt pour frais médicaux ne puisse pas également être déclarée au titre du crédit d’impôt pour l’accessibilité domiciliaire.
Les exigences en matière de déclaration de revenus pour les logements sous-utilisés ont été éliminées, mais s’appliquent toujours aux années 2022 à 2024.
Pour remédier aux inefficacités et réduire les coûts d’administration, le gouvernement élimine également la taxe de luxe sur les aéronefs d’une valeur supérieure à 100 000 $ et les bateaux d’une valeur supérieure à 250 000 $.
Comme annoncé précédemment, Ottawa donnera à l’ARC le pouvoir discrétionnaire de produire automatiquement des déclarations de revenus préremplies au nom de certains particuliers à faible revenu admissibles lorsque certaines conditions sont respectées. Cette mesure permettra de s’assurer que les Canadiens à faible revenu, en particulier les personnes âgées, reçoivent les prestations et les crédits admissibles qui sont ultimement versés dans le cadre du régime fiscal et qui sont assujettis à des critères de revenu.
Même si le budget est présenté, M. Rossi a déclaré que le milieu des affaires souhaiterait tout de même qu’Ottawa établisse un calendrier pour procéder à un examen général complet du régime fiscal dans son ensemble afin de remédier à certaines complexités de la politique fiscale.
« C’est une question qui revient sans cesse dans le milieu, et nous resterons certainement à l’affût pour voir si elle sera abordée à l’avenir », a-t-il conclu.