La hausse des coûts des intrants, le resserrement du marché de l’emploi et l’incertitude entourant le prix des terres augmentent les coûts d’exploitation d’une ferme. Par ailleurs, comme l’a souligné Aaron Goertzen, économiste principal de BMO, dans son plus récent rapport, emprunter pour compenser ces coûts devient plus coûteux. Des facteurs comme la faiblesse du dollar canadien et la hausse des taux d’intérêt ont fait doublement mal aux agriculteurs canadiens.
Bien entendu, il y a déjà eu des périodes de perturbations économiques, et de nombreux agriculteurs ont résisté à ces tempêtes. Mais chaque repli est différent, et le fait d’améliorer le guide que vous utilisiez dans le passé peut vous aider à traverser cette période de volatilité et d’incertitude.
Cette amélioration consiste à acquérir une connaissance approfondie de votre situation financière, ce qui comprend de connaître votre situation passée, votre situation actuelle et votre situation à l’avenir; cela appelle également une transparence complète à l’égard de tous les aspects de votre situation financière. Au bout du compte, même si la crise économique est un problème à court terme, vous élaborerez une stratégie qui profitera à votre exploitation agricole à long terme.
Connaissez vos chiffres : votre situation passée
Pour comprendre où vous en êtes maintenant, vous devez examiner où vous étiez auparavant. C’est la raison pour laquelle les prêteurs examinent les données financières historiques lorsqu’ils évaluent votre situation. D’habitude, vous devez calculer une moyenne historique sur trois ans, qui tiendra probablement compte des bonnes et des mauvaises périodes. Ces chiffres pourraient comprendre :
Des états financiers de fin d’exercice
Des comparaisons d’une année à l’autre
Une projection des flux de trésorerie pour les 12 prochains mois
Le coût des intrants
Les taux de rendement, historiques et prévus
Connaissez vos chiffres : votre situation actuelle
Un examen attentif de votre situation actuelle vous aidera à comprendre où se trouvent les écueils et les occasions potentielles. En voici quelques exemples :
Comprendre la structure et les modalités de votre dette. Vos prêts ont-ils tous la même échéance? Compte tenu de la hausse des taux d’intérêt, « échelonnez-vous » l’échéance de vos prêts? C’est-à-dire que le fait « d’immobiliser » les taux pour les échéances d’un, trois ou cinq ans peut vous aider à gérer le risque de taux d’intérêt. Le fait de trouver un équilibre entre les titres de créance à taux fixe et à taux variable peut aussi vous aider à gérer le risque de taux d’intérêt.
Savoir si vous avez suffisamment d’actions dans votre entreprise. Dans le cas où vous n’accumulez pas de capitaux propres et ne remboursez pas vos dettes, vous pourriez ne pas être en mesure d’obtenir du financement si vous avez besoin d’une autre marge de crédit pour un achat opportuniste.
Connaître votre couverture d’assurance. Avez-vous la bonne assurance-récolte? Avez-vous une assurance contre les pertes d’exploitation? Quel type de couverture avez-vous pour les dommages matériels? Si l’un de vos bâtiments était incendié demain, quelle serait la prime d’assurance?
Examen de vos contrats à terme. Passez en revue le contrat pour vous assurer que le prix et la quantité correspondent à l’orientation de l’entreprise.
Connaissez vos chiffres : votre situation à l’avenir
Cet exercice vous aide à répondre à une question cruciale : comment allez-vous financer l’avenir de votre exploitation agricole? À court terme, lors de la plantation, quelle sera la situation de votre fonds de roulement au cours des prochains mois? Aurez-vous suffisamment de fonds de roulement d’ici l’automne ou le début de l’hiver, lorsque vous commencerez à vendre votre production?
Le fait d’établir une projection des flux de trésorerie sur 12 mois vous donnera une meilleure idée de votre situation. Il peut être tentant de dépenser lorsque vous avez les liquidités plutôt que d’avoir une stratégie pour déterminer le moment de dépenser et la façon de financer. Certains ont acheté des articles dont ils n’avaient pas besoin en utilisant leur marge de crédit d’exploitation simplement parce qu’il s’agissait d’une bonne affaire. En ayant une projection de flux de trésorerie sur 12 mois en main, vous comprendrez en quoi ce type d’achat pourrait avoir une incidence sur votre capacité à financer plus tard les produits essentiels, comme le carburant.
Il s’agit également d’un exercice à long terme. Le fait de déterminer votre budget consacré aux dépenses en immobilisations pour les cinq prochaines années peut vous aider à comprendre comment vous devez ajuster votre situation financière actuelle. Aurez-vous besoin de mises à niveau majeures de l’équipement, des terrains ou des bâtiments dans les prochaines années? Le fait de connaître ces types de plans à long terme peut vous aider à déterminer la façon dont vous devriez structurer toute dette que vous prévoyez contracter à court terme, ainsi que le capital potentiel que vous devez accumuler dans votre entreprise.
Divulgation complète
Une fois que vous aurez une compréhension plus approfondie de vos chiffres, vous pourrez commencer à élaborer des stratégies en fonction de deux éléments clés :
Le prêt d’exploitation
Autrement dit, quel montant de fonds de roulement avez-vous (ou à quel montant avez-vous accès) pour couvrir vos dépenses quotidiennes tout au long de l’année?
La facilité de dépenses en immobilisations.
Quel montant devrez-vous affecter aux achats clés lorsque vous en aurez besoin?
Puisque ce processus peut sembler écrasant, il peut être très avantageux de demander l’avis de vos principaux conseillers. Vous aurez besoin d’une solide équipe financière pour avoir une idée exacte de vos chiffres historiques et actuels et de vos prévisions. Si une solution interne n’est pas possible, vous pouvez envisager de travailler avec un cabinet comptable spécialisé en agriculture. Certaines sociétés mettent même l’un de leurs employés à la disposition de votre exploitation. En plus de comprendre comment fonctionne votre entreprise, ils parlent le même langage que votre conseiller bancaire, ce qui vous aidera lorsque vous aurez besoin d’un accès rapide pour emprunter de l’argent.
Il est essentiel de connaître les besoins de votre prêteur; c’est pourquoi vous devez faire preuve d’une transparence absolue dans la présentation de vos données financières. Cela signifie que vous ne devez pas cacher des renseignements négatifs parce que vous pensez que votre prêteur ne vous aidera pas. Le fait est que vous ne savez peut-être pas ce qui vous aidera ou non. Et si vous ne faites pas preuve d’une transparence totale, votre prêteur prendra des décisions fondées sur des hypothèses erronées.
Le fait d’être complètement honnête aidera le prêteur à vous guider de façon appropriée. Vous détenez peut-être des terres que vous ne voulez pas céder en garantie d’un prêt, mais le fait de divulguer ces renseignements pourrait permettre au prêteur d’appliquer des échéances plus longues à une partie de votre dette afin de vous aider à accroître vos flux de trésorerie.
Une transparence complète passe aussi par la prise en compte de l’endettement personnel. Le fait d’être cosignataire d’un prêt pour un membre de votre famille, par exemple, pourrait aussi avoir des répercussions sur les finances de votre exploitation. L’idée est présenter la situation dans son ensemble pour prendre de bonnes décisions.
La rigueur que vous procure la connaissance de vos chiffres peut vous aider à améliorer vos activités et la façon dont vous les examinez. Elle peut aussi vous aider à vous positionner en vue d’occasions dans un marché baissier, comme pour effectuer une acquisition à un prix favorable.
Il s’agit d’un exercice visant à vous aider à traverser une période économique potentiellement difficile, mais il sera tout de même avantageux pour vos activités lorsque les taux d’intérêt diminueront, que l’inflation sera maîtrisée et que l’économie sera de nouveau en plein essor.
Erica Desjardins, directrice nationale, Structuration et risque de crédit, Agriculture et Agroalimentaire, Derek Briggs, vice-président et chef d’équipe, Canada atlantique, Agriculture et Agroalimentaire et Leah Weatherill, chef, équipe nationale, Agriculture ont contribué à la rédaction de cet article.
