La guerre commerciale marque un net recul dans ce qui aurait autrement été une meilleure année pour l’immobilier commercial au Canada.
Faits saillants
Après avoir rebondi après la pandémie, le segment industriel est revenu à une activité plus normale. Les usines et les entrepôts qui étaient bien placés pour se renforcer grâce à un crédit moins cher et à une monnaie dépréciée doivent maintenant faire face à un repli temporaire des exportations.
Le marché des immeubles multirésidentiels se redressait grâce à la baisse des taux hypothécaires, mais la guerre commerciale a paralysé les acheteurs. Le marché saturé des copropriétés dans la région du Grand Toronto mettra du temps à se résorber, surtout avec un frein sévère à l’immigration. Cependant, le marché devrait se redresser l’an prochain à mesure que l’économie s’améliorera.
Le marché des propriétés de commerce de détail gagnait en popularité avant la guerre commerciale, mais on s’attend maintenant à ce qu’il recule étant donné que le taux de chômage augmente.
Comme un plus grand nombre d’entreprises exigeaient le travail au bureau, le segment des immeubles de bureaux commençait à se redresser. Les taux d’inoccupation se stabilisaient, mais à des niveaux records. Les mises à pied et les fermetures d’entreprise attendues retarderont la reprise.
Contexte macroéconomique
La guerre commerciale pourrait faire basculer l’économie canadienne dans une récession de faible ampleur de deux trimestres cette année, le PIB réel se contractant de 0,4 % sur 12 mois au quatrième trimestre. Le taux de chômage devrait augmenter de un point de pourcentage pour atteindre 7,7 %, avant que les réductions tarifaires et la baisse des taux d’intérêt soutiennent un retour à une croissance modérée de 1,8 % en 2026. Malgré certains tarifs douaniers de rétorsion, l’inflation mesurée par l’IPC devrait rester près de la cible de 2 % de la banque centrale en moyenne. Le résultat des élections fédérales n’a pas changé nos prévisions économiques. Nous avons présumé qu’une politique budgétaire expansionniste atténuerait l’effet des tarifs douaniers, et le Parti libéral maintenant au pouvoir a fait campagne en tablant sur une augmentation des dépenses, des réductions modestes de l’impôt sur le revenu des particuliers et des déficits plus importants. La Banque du Canada devrait abaisser les taux trois autres fois cette année, pour un total de 75 points de base. Le dollar canadien pourrait faiblir légèrement pour s’établir à 71,5 cents américains d’ici la fin de l’année, avant de se raffermir en raison d’un repli du dollar américain en 2026.
Immeubles industriels
Après deux ans de croissance fulgurante, le segment industriel canadien a ralenti en raison de la hausse anticipée des taux d’intérêt et, plus récemment, des préoccupations liées à la guerre commerciale. De tous les segments, l’immobilier industriel est le plus vulnérable au protectionnisme commercial. De nombreux secteurs, comme l’acier, l’aluminium, les produits chimiques, la machinerie et les ordinateurs, tirent plus de la moitié de leurs revenus des ventes aux États-Unis, les véhicules automobiles dépassant 90 %. Les taux de capitalisation du segment industriel national se sont normalisés et se sont stabilisés en 2024 (graphique 1). Le taux de disponibilité est passé d’environ 1 % en 2023 à 5,0 % au premier trimestre (CBRE), un résultat proche des normes à long terme, mais le plus élevé depuis 2016, l’offre de logements neufs continuant de surpasser la demande de crédit-bail. La construction a ralenti, ce qui a réduit la pression sur l’inoccupation. Les prix et les loyers des immeubles industriels ont reculé, à commencer par les trois plus grands marchés, soit Toronto, Montréal et Vancouver, mais ils ont augmenté dans certaines villes. Les taux moyens de loyers demandés ont chuté de 3,3 % sur 12 mois au premier trimestre. Le segment industriel était sur le point de se redresser cette année grâce à un crédit moins cher et à une monnaie dépréciée, mais le récent ralentissement persistera probablement jusqu’à ce que la guerre commerciale s’apaise. La récession de faible ampleur prévue devrait se traduire par une hausse plus modérée du taux de disponibilité dans le segment industriel que la flambée de trois points de pourcentage observée pendant la récession de 2008, même si certains secteurs – l’automobile et l’acier – sont plus à risque. Les fermetures d’entrepôts d’Amazon au Québec portent un nouveau coup à la province.
Logements multifamiliaux
Le marché canadien de l’habitation était en train de s’améliorer avant la guerre commerciale. Cependant, en raison des craintes de perte d’emplois et des enjeux persistants d’abordabilité, les ventes ont chuté et les prix ont fléchi dans le sud-ouest de l’Ontario et dans certaines régions de la Colombie-Britannique. Par ailleurs, les marchés plus abordables du Québec, des Prairies et du Canada atlantique font preuve d’une plus grande résilience, les ventes se stabilisant près des niveaux normaux et les prix atteignent de nouveaux sommets dans certaines villes. La proportion de prêts hypothécaires résidentiels en souffrance augmente, mais demeure inférieure à la normale.
Le secteur des tours d’habitation tire de l’arrière par rapport au marché des maisons individuelles, surtout dans le sud-ouest de l’Ontario. Les taux d’inoccupation des logements locatifs demeurent faibles (graphique 2) et les taux de capitalisation, bien qu’ils augmentent, sont inférieurs à la normale et à ceux des autres segments. L’abordabilité par rapport aux maisons individuelles est un atout. Malgré cela, les prix de référence de la revente de copropriétés ont reculé de 3,4 % sur 12 mois en mars (graphique 3). Même les utilisateurs finaux évitent les petites unités qui ont inondé le marché après la pandémie et qui ont été en grande partie achetées par des investisseurs qui doivent maintenant composer avec la baisse des loyers et des flux de trésorerie négatifs. Bien que les loyers demandés moyens des appartements et des copropriétés aient augmenté en mars, ils ont reculé de 2,8 % sur 12 mois. Les loyers des appartements construits expressément pour la location ont été plus résilients, mais ils ont également reculé de 1,5 %. Comme d’autres copropriétés devraient être achevées en 2025, le marché des tours d’habitation continuera de subir d’intenses pressions. La hausse du taux de chômage, le vieillissement de la population et la flambée des coûts de construction en raison des tarifs douaniers ne feront qu’aggraver la situation, notamment dans la région de Toronto, où le marché des copropriétés va de mal en pis comme nulle part ailleurs. Malgré les incitatifs, Urbanation a enregistré ses ventes les plus faibles dans la région depuis 1990 au premier trimestre. Il pourrait falloir 78 mois – plus de six ans – pour absorber le surplus. Cette année, 31 000 unités, un nombre record, seront achevées cette année, ce qui saturera davantage le marché. Le prix de vente moyen des nouvelles copropriétés à Toronto a chuté de 7 % sur 12 mois, une situation qui exerce des pressions sur les constructeurs. La baisse des taux d’intérêt et la forte diminution des nouvelles constructions finiront par soutenir les prix des immeubles multirésidentiels dans la région de Toronto, mais cela prendra du temps.
Commerce de détail
Le secteur canadien des immeubles de commerce de détail a pris de l’élan en 2024 en raison de la baisse des taux d’intérêt et de l’amélioration de la consommation des ménages. Les taux d’inoccupation ont atteint de nouveaux creux, les loyers ont augmenté et les taux de capitalisation ont chuté à des sommets atteints il y a 14 ans. Mais la guerre commerciale pose de nouveaux défis. La confiance des consommateurs est presque à des creux historiques. La hausse du chômage freinera la consommation et propulsera le nombre de particuliers insolvables au-delà des niveaux d’avant la pandémie. Les faillites des détaillants dépasseront probablement les niveaux normaux, en raison de la réduction de l’immigration. Le triste épisode de la Compagnie de la Baie d’Hudson témoigne des défis plus généraux auxquels le secteur est confronté, mais il pourrait aussi renforcer la concurrence. Les détaillants qui se concentrent sur les produits et services essentiels et courants pourraient obtenir de meilleurs résultats que ceux qui offrent des produits discrétionnaires maintenant plus chers en raison des tarifs. Les centres commerciaux linéaires ancrés par les épiciers, qui bénéficient d’un accès facile, sont susceptibles de surpasser les centres commerciaux intérieurs. Les magasins d’occasions et les boutiques d’articles usagés en profiteront, car les tarifs feront augmenter le coût des nouveaux produits. Le secteur canadien de l’hôtellerie, y compris les restaurants, devrait profiter de la politique d’achat de produits canadiens.
Immeubles de bureaux
Le marché canadien de l’immobilier de bureaux, qui s’est affaibli, est en mode attente. Les loyers ont augmenté de 1,3 % sur 12 mois en décembre 2024. Après avoir atteint des sommets inégalés de plusieurs décennies, les hausses des taux de capitalisation ont ralenti, et 2024 a marqué la première année d’absorption nette positive depuis la pandémie. La sous-location a diminué à mesure que les nouvelles constructions se sont évaporées. Les taux d’inoccupation des immeubles de bureaux dans les centres-villes ont chuté pour la première fois en cinq ans au premier trimestre, mais ils demeurent extrêmement élevés dans certaines villes, dont London (32 %) et Calgary (30 %). Le taux d’inoccupation national s’est en grande partie stabilisé, mais à un niveau élevé de 18,7 % (graphique 4). L’absorption nette est toutefois devenue négative au cours du trimestre, en raison principalement de la faible demande à Montréal. Une étude récente montre que le Canada est à la tête du marché mondial du travail à domicile. Un sondage mené par le Stanford Institute for Economic Policy Research auprès de travailleurs ayant fait des études universitaires a révélé que le pays affichait le nombre de jours de travail à la maison le plus élevé, soit 1,9 jour par semaine, comparativement à une moyenne de 40 pays d’un peu plus d’une journée et à une norme américaine de 1,6 jour. Dans certaines régions, les longs temps de déplacement pourraient être une raison.
Les immeubles de prestige et de catégorie A continuent de surpasser les immeubles de niveau inférieur, les loyers y étant plus élevés. Les locataires voient l’importance des espaces de bureau de grande qualité pour attirer et retenir les talents, et ils sont prêts à payer pour cela. Les propriétés en banlieue sont généralement plus saines que les marchés des centres-villes. Le niveau d’activité le plus bas de la construction depuis 20 ans devrait finir par réduire les taux d’inoccupation. Même si la conversion d’espaces de bureau en logements et autres utilisations (comme l’éducation et les centres de données) est en hausse, CBRE estime qu’elle n’a pas encore laissé une marque importante sur les taux d’inoccupation. Le taux d’inoccupation national restera probablement élevé cette année en raison des pertes d’emplois et des fermetures d’entreprises prévues, avant de reculer en 2026.
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